LIVRE II , ODE I

Ode Première du Premier Livre des Odes d'Horace

Maecenas atavis edite Regibus


Mécène, (1) enfant des rois, cher soutien de ma gloire,
Le mortel qui triomphe aux Olympiques jeux,
Ne voit rien dont l'éclat ne cède à la victoire
Que remporte son char poudreux.

Ce Romain qui du peuple a fixé l'inconstance
Croit que le Consulat l'égale aux Immortels.
Un autre a préféré la paix et l'abondance
De ses domaines paternels.

Les immenses trésors des plus grands rois du monde
Ne le forceront pas à quitter son hameau,
Pour confier ses jours aux caprices de l'onde
Dans le sein d'un frêle vaisseau.

Celui-ci sur les flots, traîné par l'avarice,
Regrette dans l'orage et sa ville et ses champs ;
Il aborde et répare, esclave de son vice,
Ses vaisseaux fracassés des vents.

Le buveur foule aux pieds les soucis et les peines
En vidant à longs traits des brocs toujours ouverts ;
Couché nonchalamment tantôt près des fontaines
Tantôt sous des feuillages verts.

La trompette de Mars, aux mères si terrible,
Pour les jeunes guerriers a des sons pleins d'attraits ;
Aux plaisirs de l'hymen le chasseur insensible
Perce les nuits dans les forêts.

Pour toi, qui de notre art tire ses récompenses,
Tu t'élèves ainsi jusqu'aux honneurs divins ;
Et moi, loin des mortels, j'aime à suivre les danses
Des Dryades et des Sylvains.

Euterpe et Polyhymnie, objet de mon hommage,
M'inspirent des chansons pour Mécène et les Dieux.
Si ma lyre te plaît, guidé par ton suffrage,
Mon vol percera jusqu'aux cieux.
 


1. Mécène, mort en l'an 3, s'est servi de son crédit auprès l'empereur Auguste pour encourager et protéger les lettres et les arts.