PROPHÉTIE D'ISAIE, CH. LIII
ARGUMENT
Les caractères du Messie ne
sont nulle part aussi clairement désignés que dans cette
prophétie. Sa naissance obscure, sa vie laborieuse, les opprobres
dont il fut couvert durant tout le cours de sa longue passion ; sa mort,
sa sépulture, sa résurrection, et sa gloire ; tels sont les
traits distinctifs auxquels on ne peut méconnaître ici
Jésus Christ. Le Prophète ne lui donne aucun nom.
Il ne l'appelle d'abord ni le serviteur, ni le ministre, ni l'envoyé.
Après un début court et sublime, il
s'élèvera,
dit-il, devant le Seigneur
comme une plante dans un terroir aride ; il est sans éclat, sans
beauté … Nous l'avons vu, nous l'avons méconnu. C'était
le dernier des hommes, un homme de douleurs.
Pour qui nos
voix sont-elles faites ?
A qui Dieu par ses interprètes
Montre-t-il son bras lumineux ?
Il naît dans sa retraite obscure,
Comme un arbrisseau sans culture
Croît dans un terroir sablonneux.
Devant le Seigneur il s'élève,
Sans beauté, sans éclat, sans
biens ;
Et toujours ignoré des siens,
Sa course pénible s'achève
Dans l'opprobre et dans les liens.
Tout annonçait
sur son visage
Le dernier des mortels et le plus malheureux.
Son front défiguré, ses regards douloureux
Offraient de ses tourments un sanglant témoignage.
Souillé de fange, à demi nu,
Les uns l'ont fui, plusieurs l'ont accablé d'outrage,
Et nous l'avons tous méconnu.
Eh ! pouvions-nous
le reconnaître
Couvert de nos propres langueurs !
Pouvions-nous croire qu'il dût naître
Pour souffrir d'indignes rigueurs !
La paix si longtemps attendue,
La paix aux mortels n'est rendue
Qu'au prix du sang qu'il a versé ;
Et le châtiment de nos crimes
Sur la plus noble des victimes
Par le ciel même est exercé.
Nous n'étions ici bas que des brebis
errantes
Qui suivions au hasard les routes différentes
Où le crime entraînait
nos pas.
Dieu l'a chargé du poids de tous nos attentats ;
Par ordre du Seigneur, lui-même il les répare :
Lui-même il a voulu qu'un tribunal barbare
Usurpât lâchement le droit de le juger.
Il subit sans murmure un arrêt homicide ;
Tel un agneau timide
Se tait devant le fer tout prêt à l'égorger.
O Juges sans
foi, sans doctrine
C'est vous qui l'avez condamné
Qui vous dira son origine?
Savez-vous comment il est né ?
Je veux que son trépas expie
La révolte, l'audace impie
De ceux qui m'ont désobéi
Mais ses jours et sa sépulture
Seront payés avec usure
Par les méchants qui l'ont trahi.
Jamais la fraude
et la malice
N'ont rempli sa bouche ou son cœur.
Je ne l'abandonne au supplice
Que pour le salut du pécheur.
Mais après sa longue souffrance,
Son sang deviendra la semence
D'une heureuse postérité.
Appui de ma loi souveraine,
C'est lui qui sur la race humaine
Accomplira ma volonté
Quels torrents
d'une douce joie,
Quand des maux dont il fut la proie
Ses yeux verront partout les fruits ;
Et quand justifiés par sa propre justice,
Ceux qu'il aura guéris de l'erreur et du vice,
Quitteront les faux biens qui les avaient séduits !
Aussi je lui destine un immense héritage
;
Des tyrans conjurés il vaincra les efforts ;
De leurs tristes captifs il rompra l'esclavage,
Et mettra sous ses pieds la dépouille des forts.
Lui qui sans réclamer ses divins privilèges,
Souffrit des scélérats le châtiment honteux,
Et qui ne répondait aux blasphèmes affreux
De ses ennemis sacrilèges,
Qu'en demandant grâce pour eux.