fin du poème

PROPHÉTIE D'ISAIE, CH. XLII

ARGUMENT

Caractères du Messie.  Bonheur des hommes sous son règne.  L'idolâtre exterminée.  Crimes et impiété des Juifs.  Leur défaites, leur servitude, leur aveuglement.

Voici le serviteur, le ministre que j'aime,
Rempli de mon esprit, de mon pouvoir suprême,
Arbitre souverain du sort des nations,
Qui dans son tribunal, sans arrogance vaine,
       Sans faveur et sans haine,
Jugera seulement l'âme et les actions.

Il n'accablera  point d'une main meurtrière
Le lin qui rend encore un faible lumière,
Ni le roseau brisé qui réclame un appui.
Toujours calme et serein, aux innocents propices,
       La paix et la justice
Etabliront les lois qu'il prépare aujourd'hui.

Moi qui créai des cieux la voûte étincelante,
Les animaux, la terre et les fruits qu'elle enfante,
Qui fais respirer l'homme et qui soutiens ses pas :
C'est moi dont tu remplis la parole éternelle,
       Et c'est moi qui t'appelle
Pour éclairer le monde et finir ses combats.

L'aveugle par tes soins ouvrira la paupière.
Tu rendras aux captifs leur liberté première ;
Mon nom est le Seigneur, il n'appartient qu'à moi.
Je ne souffrirai point que le bronze et l'argile,
       Dieux d'un peuple imbécile,
Partagent mes honneurs au mépris de ma loi.

De mes prédictions souvent multipliées,
Et par l'événement toujours justifiées,
Les fastes d'Israël gardent le souvenir.
Je n'ai pas tout prédit au peuple qui m'adore,
       Et je prétends encore
Dévoiler à ses yeux un nouvel avenir.

Célébrez le Seigneur, et par reconnaissance
Jusqu'au bout de la terre exaltez sa puissance,
Vous qui marchez sur l'onde au bruit des aquilons ;
Peuple oisif des cités, et vous fiers insulaires,
       De vos chants tributaires
Remplissez les déserts, les champs et les vallons.

Cédar en des palais transformera ses tentes,
L'Arabe interrompra ses courses inconstantes,
Du haut de leurs rochers ils jetteront des cris.
Et le Seigneur armé de son glaive invincible,
       Tel qu'un guerrier terrible,
Foulera des vaincus les corps et les débris.

Je me suis tu longtemps, mais je romps le silence :
Ma voix dans ses éclats se fera violence,
Une femme en travail crie avec moins d'effort.
Tout sera confondu, renversé par mes armes,
       Et dans ce jour de larmes
Ma victoire sera le règne de la mort.

Je changerai les eaux en des veines de sable ;
Des traits de mon courroux l'empreinte ineffaçable
Desséchera les fruits, les plantes et les fleurs.
Mais je dissiperai les épaisses ténèbres
       Dont les voiles funèbres
De tant d'infortunés augmentaient les douleurs.

Dans des sentiers plus droits je saurai les conduire ;
Prompt à les secourir, fidèle à les instruire,
Je sauverai leurs jours et du fer et du feu ;
Et j'exterminerai  ces cœurs opiniâtres,
       Ces mortels idolâtres
Qui disaient au métal : coule et deviens un dieu.

Aveugles, regardez ; sourds, prêtez-moi  l'oreille.
Qui sont-ils les mortels qu'aucun bruit ne réveille,
Que nul éclat ne frappe, et que rien n'attendrit ?
C'est Israël, mon peuple, à qui tant de prophètes
       Ont servi d'interprètes
Des divers monuments où mon culte est écrit.

Et ce peuple a choisi mes ennemis pour maîtres ;
Voyez ce que j'ai fait pour lui, pour les ancêtres ;
J'ai mis entre leurs mains mon autel et mes lois.
Ils en sont dépouillés, ils sont chargés de chaînes,
       Et n'ont plus dans leurs peines
D'amis ni d'alliés qui protègent leurs droits.

Opprimés dans la paix, écrasés dans la guerre,
Méprisables jouets du reste de la terre,
Partout vaincus, partout exemples du malheur :
Victimes tour à tour de leurs rois et d'eux-mêmes,
       Vains, inconstants, extrêmes,
Et dans leur décadence insolente sans valeur.

Dans cet excès d'opprobre, enflés de leur doctrine,
Ils osent de ma loi conjurer la ruine,
Attaquer ma puissance et mes propres bienfaits ;
Et pour surcroît enfin des maux qui les dévorent,
       Aveugles ils ignorent
Que c'est Dieu qui les frappe et punit leurs forfaits.

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