PROPHÉTIE D'HABACUC (N1) , CH. I
Plainte du Prophète contre les
crimes des Juifs, et notamment contre les injustices des Magistrats. Dieu
se sert des Chaldéens pour punir ces désordres. Impiété
de ce peuple. (T1)
(T2)
Se peut-il que ma voix, Seigneur, vous
importune ?
Etes-vous insensible aux cris de l'infortune,
Aux larmes d'un mortel qu'épuisent ses tourments ?
Hélas ! vit-on jamais des tyrans plus barbares,
De plus durs magistrats, des riches plus avares,
Et si peu de justice, et tant de jugements ?
Par d'indignes arrêts les lois sont
violées.
La candeur, l'innocence aux crimes immolées,
Consultant sans succès un oracle vénal.
L'équité toute en pleurs brise son trône auguste
;
Le méchant dont la brigue a triomphé du juste,
Digne de l'échafaud s'assied au tribunal.
Peuple vil, la
trompette sonne,
La guerre embrase l'univers ;
Vois ces nations, et frissonne
Au bruit des chaînes et des fers.
Tu me braves, rien ne t'arrête:
Le châtiment que je t'apprête,
Nuls fléaux ne l'ont égalé
;
Et dans ta malheureuse histoire,
L'avenir aura peine à croire
Les maux qui t'auront accablé.
Pour détruire
la race ingrate
Que je protégeai si longtemps,
Des bords du Tigre et de l'Euphrate
J'appellerai les habitants.
Nation terrible et féroce,
L'injustice la plus atroce
N'est qu'un jeu de ses cruautés ;
Et son impétueuse rage
Et un instant pille et ravage
Les royaumes épouvantés.
Les coursiers
fondent sur la plainte,
Plus légers que des léopards
;
Couverts d'écume, leur haleine
Souffle le feu de toutes parts.
Le vol de l'aigle est moins rapide;
Dans la nuit sur un sable aride
Les lions sont moins furieux ;
Et je vois un peuple innombrable,
Du Roi qui l'enchaîne et l'accable
Suivre le char victorieux.
Partout il laissera
des marques
De ses effroyables transports ;
Il se rira de vos Monarques,
Vaincus dans leurs murs les plus forts.
Mais bientôt ce tyran superbe,
Abruti, rampera sur l'herbe,
Errant et proscrit en tout lieu.
Seul monument de sa victoire,
C'est là qu'aboutira sa gloire,
Et la puissance de son Dieu.
Mais vous êtes le mien, Dieu puissant
que j'adore ;
Vous le fûtes toujours, et le serez encore,
Nous vivrons : Israël attend votre retour.
Ce Prince destiné pour punit nos offenses,
De ministre de vos vengeances
En sera l'objet à son tour.
Vos yeux sont purs, vos yeux sont effrayés
du crime,
Et vous souffrez, Seigneur, que l'idolâtre opprime
Des hommes moins cruels, moins injustes que lui !
Sous sa marche écrasés, comme d'humbles reptiles,
Sommes-nous devenus des peuples inutiles,
Rebut de l'univers, sans maître et sans appui ?
Ce farouche vainqueur autour de lui rassemble
Des milliers de captifs que gémissent ensemble,
Qui tombent à ses pieds, ou meurent à ses yeux.
Il s'enivre d'orgueil en contemplant sa proie ;
Et dans les vains transports de son horrible joie
Il insulte la terre, et provoque les cieux.
Aussi n'eut-il jamais de Dieu que son
épée.
Ce fer, par qui la terre est si souvent frappée,
Reçoit l'hommage impur de ses vœux satisfaits :
C'est par le fer qu'il règne ; et ce monstre sauvage
Rassasié de pleurs, engraissé de carnage,
Boit le sang des mortels, et vit de ses forfaits.
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NOTES:
1. Il est assez vraisemblable qu'Habacuc
a prophétisé dans les premières années de Joakim,
avant l'invasion de la Judée par Nabuchodonosor. Les ennemis ayant
détruit Jérusalem, et s'étant retirés, Habacuc
vint dans sa patrie où il se livra tout entier aux soins de l'agriculture
; occupation digne d'un philosophe et d'un saint. retour
au texte
TEXTE:
1. Original argument de 1751:
ARGUMENT
Il est assez vraisemblable
qu'Habcuc a prophétisé dans les premières années
de Joakim, avant l'invasion de la Judée par Nabuchodonosor. A l'égard
des choses contenus dans cette Prophétie, S. Grégoire de
Nazianze, dont le sentiment en cela est préféré par
d'habiles commentateurs à celui de S. Jérôme, pense
qu'Habacuc se plaint des injustices des Juifs, et de l'oppression des Justes,
à quoi Dieu répond que les iniquités de son Peuple
seront punies par les Chaldéens, et les crimes de ceux-ci vengés
par les Perses. Il paraît enfin que le Prophète annonce
l'avènement de Jésus-Christ, et les supplices éternels
de l'Enfer. Les Ennemis ayant détruit Jérusalem, et s'étant
retirés, Habacuc vint dans sa patrie où il se livra tout
entier aux soins de l'agriculture ; occupation digne d'un philosophe et
d'un saint. retour
au texte
2. Citation latine qui précède le poème dans 1751:
Usquequo Domine clamabo, et non exaudies, vociferabor ad te vim patiens et non salvabis?