CANTIQUE DE DAVID

VII

Dominus Petra Mea et Robur Meum.  Lib. II, Reg. Cap. XXII

ARGUMENT

Ce cantique a été mis au nombre des Pseaumes, dont il est le dix-septième; avec cette différence, que le Pseaume commence par ce verset: Diligam te, Domine, fortitudo mea, qui n'est pas dans le cantique. David  y célèbre les miracles que la Providence divine a opérés  sa faveur; et il rend graces à Dieu de toutes les  victoires qu'il a remportées sur ses ennemis.

 Tu fus la roche inaccessible,
 Seigneur, qui défendit mes jours;
 Tu fus le guerrier inivincible
 Par qui je triomphai toujours.
 C'est dans le Seigneur que j'espère,
 Il a terminé ma misère,
 Et dans mes droits il m'a remis.
 Lui seul mérite ma louange;
 Sa main me délivre et me venge
 De mes perfides ennemis.

 L'implacable mort sur ma tête
 Lançait ses regards devorants.
 L'impiété que rien n'arrête,
 M'épouvantait de ses torrents.
 Dans les douleurs et les ravages,
 Troublé de ces noires images,
 Vers mon Dieu je poussai des cris;
 Et sur moi le bruit de ma plainte,
 Du haut de sa demeure sainte
 Attira ses yeux attendris.

 Soudain sa colère allumée
 Cause d'affreux embrasements.
 Des monts entourés de fumée
 Il soulève les fondements.
 Sous ses coups l'univers chancelle;
 Son front de fureur étincelle,
 Contre un peuple séditieux.
 Devant lui marche son tonnerre:
 Et pour descendre sur la terre
 Sous ses pieds il courbe les cieux

 De la vengeance qu'il médite
 Les instruments sont dans ses mains.
 Sur les vents il se précipite,
 Il monte sur les chérubins.
 Un tabernacle obscur le couvre,
 Et des cataractes qu'il ouvre
 L'eau s'élance de toutes parts;
 Il y joint des flots de bitume;
 Tout s'enflamme, tout se consume
 Au feu brûlant des ses regards.

 Sa voix gronde au sein des nuages
 Pour effrayer les imposteurs;
 Ses traits, sa foudre et les orages
 Ont détruit mes persécuteurs.
 Tout conspire à punir leurs crimes;
 Jusqu'au fond de leurs noirs abîmes
 Les flots émus se sont ouverts.
 Et dans leur cavité profonde
 Des remparts ébranlés du monde
 Les fondements sont découverts.

 Mais dans ce désordre effroyable
 Dieu me dérobe à tant de maux,
 Malgré la haine impitoyable
 Dont me poursuivent mes rivaux.
 Leur force écrasait rna faiblesse,
 Quand dans les jours de ma tristesse
 Il guida mes pas incertains.
 Je  dois le bonheur de lui plaire,
 Je dois ce précieux salaire
 A la pureté de mes mains.

 J'ai toujours gardé la justice
 Au milieu de mes passions;
 L'impiété ni la malice
 N'ont point souillé mes actions.
 Son équité douce et sévère,
 Ses jugements que je révère,
 M'ont rendu docile à sa voix.
 Ainsi le Seigneur récompense
 Ma droiture, mon innocence,
 Mon amour constant pour ses lois.

 Seignenr, les mortels qui pardonnent
 De te fléchir sont toujours sûrs.
 Tes bienfaits abondants couronnent
 Les coeurs sans fraude, les coeurs purs.
 Avec les bons, doux et sensible,
 Envers les méchants inflexible,
 Protecteur du pauvre abattu:
 Ce n'est qu'un jeu de ta puissance
 Que d'humilier l'arrogance,
 Et d'élever l'humble vertu.

 Sous ton flambeau dans ma carrière
 Je marche avec sécurité.
 Nous ne sommes sans ta lumière
 Que ténèbres, qu'obscurité.
 C'est Dieu qui gagne les batailles;
 C'est Dieu qui franchit les murailles
 Où les rebelles avaient fui.
 Leur ligne vaine est dissipée;
 Il est le bouclier, l'épée
 De ceux qui n'espèrent q'en lui.

 Eh! quels autres dieux lui ressemblent!
 Puissant, infallible, parfait,
 Quand mes ennemis vaincus tremblent,
 C'est sa force qui les défait.
 Sur les monts il m'ouvre un asile;
 D'un soufle il me rend plus agile
 Que le cerf léger ou le daim.
 Aux combats il daigne m'instruire,
 Et mon bras qu'il aime à conduire
 Brise avec lui les arcs d'airain.

 Mon pouvoir, mes honneurs, ma gloire,
 Seigneur, sont plus grands que jamais;
 C'est ton ouvrage, et ta victoire
 M'a rendu le trône et la paix.
 Tu m'enlargissais le passage
 Par où je portais le ravage,
 Chez mes ennemis effayés.
 Après leurs déroutes funestes
 Je pouisuivais leurs derniers restes,
 Et les immolais sous mes pieds.

 Ton esprit a rempli mon âme,
 Ta force a passé dans mes bras.
 Par toi d'une révolte infâme
 J'ai puni les auteurs ingrats.
 Tu méprisais leurs douleurs feintes;
 Ils t'osaient addresser des plaintes,
 Mais tu n'ecoutais point leurs cris.
 Leur ruine entière me venge;
 J'ai rougi la poudre et la fange
 Du sang de ces mortels proscrits.

 Les propres enfants de mes pères,
 Mes sujets ont trahi mes droits,
 Quand des nations étrangères
 Venaient se ranger sous mes lois.
 Déjà ces enfants infidèles
 De leurs factions criminelles
 Prétendaient consommer l'horreur;
 Mais des richesses usurpées,
 Ni des retraites escarpées
 N'ont point dissipé leur terreur.

Vive le Dieu qui me protège,
 Et que partout il soit béni.
 Le conspirateur sacrilège
 Par ce Dieu vengeur est puni.
 Il défend mes jours, il m'élève;
 Je t'invoque, ô Seigneur! achève,
 Tu m'as choisi, tu m'as fait roi:
 A tes yeux si j'ai trouvé grâce,
 Daigne aussi, grand Dieu, sur ma race
 Verser tes dons comme sur moi.


CANTIQUE DE DAVID

VIII

Haec autem sunt verba David novissima. Lib. II, Reg. cap. XXIII

ARGUMENT.

Ces dernières paroles de David sont certainement un cantique. Si ce n'est pas un poème en vers, c'est au moins de la poésie. L'exorde en est intéressant et singulier. Les deux personnages du tableau sont David et Saül, car on ne peut guère douter que ce dernier ne soit désigné par les expressions de prévaricateur et Belial. Dans ce poëme instructif, le but du Prophète d'encourager les bons Princes, et d'intimider les tyrans; de mettre en contraste les bénédictions de Dieu sur le Rois selon son cœeur,et ses malédictions sur les Souverains qui le servent mal.

     Voici l'instruction dernière
     D'un monarque choisi de Dieu:
     Voici dans son dernier adieu
     Son coeur, son ame toute entière.
     C'est le monument solemnel
     Par où termine sa carrière
Le prophète, le chantre, et le roi d'Israël.

     Ma science en Dieu seul se fonde;
     Le fort d'Israël m'a parlé.
     Ecoutez ce qu'a revélé
     Son intelligence profonde.
     Que l'équité commande au Roi,
     Et qu'un dominateur du monde
Soit lui-même à son tour dominé par la loi.

     Lorsqu'elle est par lui respectée,
     Son règne est aussi radieux
    Que l'astre pur qui brille aux cieux,
     Quand la tempête est écartée.
     Dieu secondera ses projets,
     Et des eaux du ciel humectée
Sa terre enrichira ses fortunés sujets.

     Je méritais peu l'alliance
     Que fit avec moi le Seigneur.
     Je dus à lui seul mon bonheur,
     Mon salut et ma confiance.
     J'ai craint, j'ai fait régner ses lois;
     Il a guidé ma prévoyance,
Appuyé mes desseins, couronné mes exploits.

     Mais si les lois sont violées
     Par le prince ou ses favoris,
     Il succombe sous les débris
     De ces mêmes lois immolées.
     Victime des maux qu'il a faits
     Ses provinces sont désolées,
Et de sa longue erreur il ressent les effets.

     Il verra donc de sa puissance
     Tomber le colosse abhorré,
     Ce roi qui s'est déshonoré,
     Par le crime et la violence;
     Et le ciel qui fut son appui,
     Extermine dans sa vengeance
Et le monarque injuste et sa race avec lui.

     Tel périt ce buisson perfide
     Que la main n'oserait toucher
     Mais que le fer vient arracher
     Des entrailles d'un sol aride.
     On brûle ce tronc odieux,
     Et le vent d'un soufle rapide
En disperse la cendre, et la dérobe aux yeux.


CANTIQUE DE TOBIE (1751: V)

IX

Magnus es, Domine, in œternum, & in omnia soecula Regnum tuum. Tob. Cap. XIII. (Texte IX.1)

ARGUMENT

Tobie de la Tribu de Nepthali, Captif chez les Assyriens, s’étant endormi au pié d’une muraille, il lui tomba de la fiente d’Hirondelle sur les yeux, ce qui le rendit aveugle. Ce vertueux Israëlite soutint son malheur avec une patience que l’Ecrivain Sacré compare à celle de Job. Mais Dieu ne voulait que l’éprouver. Pour comble de bonté il guérit le Père par les mains du Fils. Le jeune Tobie revenu dans la maison paternelle appliqua sur les yeux de son père le fiel du Poisson, qui avait voulu le dévorer pendant qu’il se lavait les pieds dans le fleuve du Tygre. Le Saint Vieillard recouvra aussi-tôt la vûe. Quelques jours après il composa ce Cantique d’actions de graces, dans lequel il annonce le rétablissement et la glorie future de Jérusalem.

     Benissons dans nos Cantiques
     Le Dieu de l’éternité,
     Et les œuvres magnifiques
     De son regne illimité:
     Sous sa main tout pouvoir plie;
     Tour à tour sur notre vie
     Versant les biens et le maux,
     Il récompense et châtie,
     Ouvre et ferme les tombeaux.

     Israël, rends témoignages
     Au législateur des rois,
     Du sein de ton esclavage
     Ose réclamer ses droits.
     Instruis tes superbes maîtres,
     Parle, et qu’aujourd’hui les traîtres
     Apprennent en frémissant
     Que le Dieu de leurs ancêtres
     Est le seul Dieu tout-puissant.

Quoique sa Main nous frappe, il nous plaint, et nous aime:
A veiller sur nos jours il s’abaisse lui-même;
Il observe nos pas, il compte nos instants.
Craignez donc, adorez, servez le roi suprême
          Des siècles et des temps.

     Pour moi que ce divin père
     Punit par excès d’amour,
     Sur cette rive étrangère
     Je l’invoque nuit et jour.
     Les decrets de sa vengeance
     Ont proscrit le peuple immense
     Qui nous accable aujourd’hui;
     Vous objects de sa clémence,
     Pécheurs, revenez à lui.

     Mon cœur tressaille de joie
     En présence du seigneur;
     Ames fermes dans sa voie,
     Vous partagez mon bonheur.
     Du Dieu que ton crime irrite
     Cité toujours favorite,
     Pourqoi trahis-tu sa loi ?
     Ton inconstance mérite
     Les maux qui fondent sur toi.

Mais tu peux l'appaiser par de nouveaux hommages.
Que des climats lointains, que de ces bords sauvages,
Il rappelle en tes murs tes nombreux citoyens;
Qu'il relève son temple, et jusqu'aux derniers âges
          Te comble de ses biens.

     Ton maître terrible et juste
     T'arrache à tes ennemis;
     Jérusalem, ville auguste,
     Que d'honneurs te sont promis!
     J'entends les voeux qu'on t'adresse;
     L'univers entier s'empresse
     D'honorer dans le saint lieu,
     Les murs consacrés sans cesse
     Par la présence de Dieu,

     Tous les princes de la terre
     Viendront chez toi le fléchir;
     Les parfums, l'or qu'elle enserre
     Sont créés pour t'enrichir.
    Quel abîme de supplices
     Est creusé pour les complices
     De tes vils blasphémateurs!
     Et quel trèsor de délices
     S'ouvre à tes adorateurs!

Triomphe, tes enfants sortiront d'esclavage;
Le Seigneur les rassemble, et n'en craint plus d'outrage,
Du sort qui les-attend mes yeux sont éblouis.
Qu'il est doux de t'aimer! trop heureux qui partage
          Les biens dont tu jouis!

     Grand Dieu, mon ame attendrie
     Bénit l'œuvre de tes mains.
     Jérusalem ma patrie,
     Renaîtra pour les humains:
     L'impie en vain la menace;
     Son sort changera de face,
     Je meurs content, si du moins
     Des rejetons de ma race
     En sont un jour les témoins.

     Plus de tristes funérailles,
     Plus d'effroi ni de soupirs;
     Ses portes et ses muraillas
     Seront d'or et de saphirs.
     Que de pierres précieuses
     De leurs couleurs merveilleuses
     Frappent déja mes regards!
     Que de voix harmonieuses
     Font retentir ses remparts!

Elle invite à sa cour tous les peuples du monde;
De célestes plaisirs source à jamais féconde,
Pour elle chaque jour est un jour solemnel.
Béni soit le Seigneur: c'est sur elle qu'il fonde
          Son royaume éternel.

Texte IX.1 Job. Cap. 3. (1751)


CANTIQUE DE JUDITH (1751: IV)

X

Incipite Domino in Tympanis, cantate Domino in cymbalis. Judith. Cap.XVI

     ARGUMENT

Holopherne, général de Nabuchodonoser, avoir mis le siège devant Béthulie. Judith conçut le dessein de la délivrer par une action qui n'a point d'exemple. C'était une veuve riche, belle et très-vertueuse. Après avoir imploré le secours du ciel par une prière également rendre et sublime, elle quitia son cilice et ses habits de deuil, se couvrit d'or et de pierreries, s'habilla méme voluptueusement, employant le fard, les parfums, et tous les charmes de la parure, pour nspirer de l'amour à Holopherne, et l'égorger ensuite de ses propres mains; ce qu'elle exécuta. La mort du Général épouvanta l'armee ennemie. Les Israélites la taillèrent en pièces, et Judith chanta ce cantique au Seigneur. (Texte X.1)

Que du bruit des tambours nos villes retentissent,
Que la trompette sonne, et que nos voix s’unissent,
Rendons au Dieu vivant un immortel honneur:
Il brise quand il veut le glaive de la guerre:
          Des cieux et de la terre
          C’est l’unique Seigneur.

Au milieu de son Peuple il a dressé sa tente:
C’est de là qu’il répand sa lumière éclatante,
Que des Rois conjurés il repousse l’effort;
Et que son bras couvert de flamme et de fumée,
          Lance sur leur armée
          Le tonnerre et la mort.

Assur environné de nations altières
Vers les rochers du nord a percé nos frontières,
Il a brûlé nos bois, dévoré nos sillons;
Et ce peuple innombrable épuisait dans ses courses
          Les torrents et les sources,
          Qui baignent nos vallons.

Les cruels s’avançaient, et de la Palestine
Dans leurs vastes desseins achevaient la ruine;
Les fers étaient forgés, le glaive était tout prêt,
Mais Dieu livre à la mort leur conducteur infâme,
          Et la main d’une femme
          Exécute l’arrêt.

     Ce n’est point la brillante élite
     De nos combattants généreux
     Qui de la race Israëlite
     Détruit l’ennemi dangereux;
     Ce n’est point un géant horrible
     Qui renverse d’un coup terrible
     Ce chef dans les combats nourri:
     Immolé de ses propres armes,
     Il est mort, vaincu par les charmes
     De la fille de Mérari.

     Elle a quitté l’habit funèbre;
     Ce n’est plus une épouse en deuil,
     C’est une héroïne célébre
     Qui nous arrache du cercueil.
     Des parfums reprenant l’usage,
     Elle colore son visage
     Pour exciter de tendres vœux;
     Et sa main avec art déploie
     Les diamants, l’or, et la soie
     Sur les boucles de ses cheveux

     Ses voiles flottants, sa chaussure
     Du barbare on séduit les yeux;
     Il conçoit dans son âme impure
     Les désirs les plus furieux.
     La main qu’il adorai, le frappe;
     Il expire: Judith s’échappe
     D’un camp qu’elle a rempli d’horreur.
     Ninive tremble sur son trône;
     D’Ecbatane et de Babylone
     Les murs frémissent de terreur.

     De hurlements épouvantables
     Les camps d’Assur ont retenti;
     Au bruit de ces voix lamentables
     Israël en foule est sorti.
     Dieu, qui nous couvrait de ses ailes,
     Contre des peuples infidèles
     A daigné combattre avec nous:
     Sa présence a troublé leurs âmes,
     Et les enfants des jeunes femmes
     Les ont percés de mille coups.

Célébrons le Seigneur par de nouveaux cantiques:
Il a rempli pour nous ses promesses antiques;
Jehovah! Dieu des dieux! que ton pouvoir est grand!
A tes divins décrets qui fera résistance?
          Tu détruis la puissance
Des plus superbes rois, du plus fier conquérant.

Que les cieux sous tes pieds, que la terre fléchissent
Que les êtres divers à tes lois obéissent,
Ton esprit a créé l’onde, l’air et le feu;
Il tira du néant l’espace et la matière;
          Et d’un peu de poussière
Son souffle enfanta l’homme, image de son Dieu.

Les monts épouvantés à ton aspect chancellent:
Ta voix émeut les eaux que leurs voûtes recèlent,
Sous ton char embrasé les rochers sont dissous:
La terre s’en ébranle, et les astres s’étreignent.
          Mais de ceux qui te craignent,
Que les destins sont beaux! que le bonheur est doux!

Car tu ne cherches pas l’odeur des sacrifices.
Que t’importent ces boucs, ces nombreuses génisses
Qui nagent dans le sang, au pied de tes autels?
Hommages fastueux des âmes les plus viles,
          Dont les tributs serviles
Ne fixeront jamais tes regards immortels.

Malheur aux nations qui combattront la tienne:
Il n’est pont contre toi d’appui que les soutienne,
Ta severe équité les condamne à périr;
Et leurs corps au milieu des serpents et du souffre,
          Plongés au fond du gouffre
Se sentiront sans cesse et renaître et mourir.

Texte X.1

Nabuchodonosor I, Roi d’Assyrie et de Chaldée, défit Arphaxad Roi des Medes. Après cette Victoire, il voulut assujettir à son empire toutes les nations, et détruire tous les dieux de la Terre afin d’être seul appelé Dieu, Videlicet ut ipfe solus diceretur Deus.  Holopherne son Général conquit en peu de temps les plus belles provinces de l’Asie, et pénétra jusques dans la Palestine. Les Juifs osèrent lui résister. Il forma le Siège de Béthulie. Les aqueducs de la ville étaient déja coupés, les assiégés réduits à la dernière extrémité par la soif: Ozias même qui commandait dans le pays avait promis de rendre la place dans cinq jours, quand Judith conçut la dessein de sauver son Peuple par une action qui n’a point d’exemple. Judith était une veuve riche, belle, mais très vertueuse. Après avoir imploré le secours du Ciel par une prière également tendre et sublime, elle quitta son cilice et ses habits de deuil, se couvrit d’or et de pierreries, s’habilla même voluptueusement, employant le fard, les odeurs, les parfums, et tous les charmes de la parure, pour inspirer de l’amour à Holopherne, et l’égorger ensuite de ses propres mains; ce qu’elle exécuta. La mort du Général épouvanta l’armée ennemie, composée d’Assyriens, de Mèdes, et de Perses. Les Israëlites les poursuivirent dans leur fuite, en firent un massacre horrible; et tout ce qu’on put reconnaître qu’Holopherne avait possédé en or, en argent, en habillements, en pierreries, et en toute sorts de meubles, fut donné à Judith, qui chanta ce cantique au Seigneur.
 


CANTIQUE D'UN  JUIF  DANS  LES  FERS (1751: VIII)

XI

Miserere nostrî, Deus omnium, et respice nos, et ostende nobis lucem miserationum tuarum.
Ecclesiastic. cap.  XXXVI

ARGUMENT

L'auteur implore la protection de Dieu pour les Juifs. Ce peuple était alors captif et dispersé dans l'Egypte, dans la Syrie et dans plusieurs provinces au-delà de l'Euphrate. Jérusalem même était exposé aux incursions des infidèles, et souvent envahie par les rois voisins.

     Dieu souverain de tous les êtres,
     Dieu bienfaisant, reçois nos voeux;
     Toi qui protégeais nos ancêtres,
     N'abandonne point leurs neveux:
     Que ton ange armé du tonnerre,
     Des peuples qui te font la guerre
     Déconcerte le fol espoir;
     Et dans leurs villes foudroyées
     Contrains leurs bouches effirayées
     A reconnaître ton pouvoir.

     Sur les nations étrangères,
     Seigneur, appesantis ton bras;
     Détruis les grandeurs passagères
     De tant de monarques ingrats.
     Cent fois leurs yeux et leurs oreilles
     Ont été frappés des merveilles
     Qui nous révèlent tes secrets:
     Romps les charmes qui les séduisent,
     Et que tes œuvres les instruisent
     De tes adorables décrets.

Qu'ils sachent qu'en toi seul l'homme fidèle espère;
Que pour tous les humains il n'est point d'autre père,
          Ni d'autre Dieu que toi.
De ton juste courroux que les signes renaissent,
Que la terre en tressaille, et que les cieux s'abaissent
          Sous les pas de leur roi.

     Enfante aujourd'hui des prodiges
     Inconnus aux siècles passés,
     Anéantis jusqu'aux vestiges
     De nos ennemis terrassés.
     Quand publierons-nous ta victoire?
     Quand viendra ce règne de gloire
     Dont tu veux encor nous priver?
     O des siècles auguste maître,
     Ordonne aux jours de disparaître,
     Et commande aux temps d'arriver.

     Que ceux dont l'orgueil nous écrase,
     Soient précipités de leur rang;
     Que le feu du ciel les embrase,
     Si le glaive épargne leur flanc.
     Frappe, extermine ces impies
     Que tes vengeances assoupies
     N'entraînent point à tes genoux;
     Et qui disent: c'est nous qui sommes
     Les vrais dieux qu'adorent les hommes,
     Il n'en est point d'autres que nous.

Rassemble de Jacob les tribus vagabondes;
Qu'elles ouvrent les yeux à tes clartés fécondes,
          Et proclament tes lois.
Qu'à toi seul désormais adressant leur hommage,
Nos frères réunis rentrent dans l'heritage
          Qu'ils eurent autrefois.

    Grand Dieu, jette un regard propice
    Sur des enfants selon ton coeur
    Dieu redouté, sous ton auspice
    Israël fut toujours vainqueur.
    Viens terrasser l'idolâtrie:
    Répands sur ma sainte patrie
    Les bienfaits qu'elle a mérités;
    C'est la demeure où tu reposes,
    Le sanctuaire où tu déposes
    Le trésor de tes vérités.

    Que de ta parole éternelle
    Sion goûte enfin les douceurs;
    Confonds l'audace criminelle
    De ses farouches oppresseurs.
    Aux nations qui te révèrent,
    Aux fidèles qui persévèrent
    Assure un destin glorieux;
    Et ne déments point tes prophètes,
    Ni les antiques interprètes
    De tes serments mystérieux.

D'un peuple à qui ta voix a promis tant de graces,
Exauce les désirs et dirige les traces
          Suivant ton équité.
Terre, objet de ses soins, reconnais les ouvrages
D'un Dieu qui dans sa main tient le livre des âges,
          Et de l'éternité.



CANTIQUE D’ISAIE

XII

Confitebor tibi, Domin, quoniam iratus es mihi. Isaïe, cap. XII.

ARGUMENT

Ce sont ici des actions de graces que le Prophète offre au Seigneur au nom de tout Israël. Il avait annoncé dans le chapitre précédent la venue du Sauveur, et le retour des Juifs. Ces deux événements méritaient bien un cantique de remerciment et de joie.

 Je rends grace à ta colère
 Dont les effets sont finis.
 Seigneur, ton courroux sévère
 Etait un courroux de père
 Qui cherche à sauver un fils.

 Dieu me guérit, me console
 Après m'avoir accablé.
 Plein d'espoir en sa parole,
 Jamais d'une peur frivole
 Mon coeur ne sera troublé.

 Il est mon bras tutélaire,
 Mon salut, et mon bonheur.
 Vous qui désirez lui plaire,
 Puisez une eau salutaire
 Dans les sources du Seigneur.

 Annoncez de sa puissance
 Les signes prodigieux.
 Son nom seul rend l'espérance,
 Sert d'asyle et de défense
 Aux mortels religieux.

 Joignez aux dons qu'il demande
 Un cantique solennel.
 Qu'au loin le bruit s'en répande,
 Et que l'univers entende
 Ce qu'il fit pour Israël.

 O Sion, dans ton enceinte
 Il mit son temple et sa loi.
 O Sion, bannis ta crainte;
 Ton Dieu de ta cité sainte
 Est le pontife et le roi.


CANTIQUE D'ISAIE

XIII

Domine, Deus meus es tu, exaltabo te et confitebor nomini tuo. Isaïe, cap. XXV.

ARGUMENT

Quand les Prophètes avaient prédit des événements avantageux, ils finissaient communément leurs prophéties par un poème d'actions de grâces. Dans le dernier verset du chapitre précédent , Isaïe semble rappeler au peuple juif  qu’après le passage de la mer rouge il célébra sa reconnaissance par un cantique. De même les Israëlites qui seront échappés des mains des Assyriens, trouveront un passage pour s’en retourner, et en ce jour là, chanteront un cantique au Seigneur.

 Seigneur, je bénirai ta gloire
 Jusqu'au dernier de mes instants.
 Tout retrace à mes yeux l'histoire
 De tes prodiges éclatants.
 Avant la naissance du monde,
 Dans ton éternité profonde
 Tu produisis tes volontés;
 Et les decrets de ta puissance
 Dans ta mystérieuse essence
 Furent dès lors exécutés.

 D'une cité forte et superbe
 Tu fais un amas de tombeaux;
 Des marais, des buissons, de l'herbe
 Remplissent ses jardins si beaux.
 Des seuls monuments qui lui restent,
 Les débris épars nous attestent
 Le ravage qu'elle a souffert;
 Et dans son enceinte inutile,
 Des nations ce vaste asile
 N'est plus qu'un lugubre désert.

 Le vainqeur, objet de tes grâces,
 A ton triomphe applaudira.
 Mais l'orgueilleux que tu menaces,
 Au bruit de ton nom frémira.
 Ton secours puissant fortifie
 Les mortels qui traînaient leur vie
 Dans l'indigence et le malheur.
 Ta pitié tendre leur apprête
 Un refuge dans la tempête,
 Un lieu frais durant la chaleur.

 Tout cède à la funeste rage,
 A la colère des méchants;
 C'est un tourbillon qui ravage,
 Un feu qui dévore les champs.
 Mais Dieu punit dans sa vengeance
 La tumultueuse insolence
 De ces étrangers furieux.
 Leurs enfants, leurs neveux périssent,
 Comme des plantes que flétrissent
 Les brûlantes vapeurs des cieux.

 La montagne où sa gloire brille,
 Rassemblera les nations:
 Il n'en fera qu'une famille,
 Sans trouble et sans dissentions.
 C'est là que nos maux se réparent,
 C'est là que ses mains nous préparent
 Le plus somptueux des festins.
 Il y rompra la chaîne impure,
 Et finira la nuit obscure
 Où languissaient tous les humains.

 La mort par ses coups terrassée
 S'abîmera dans les enfers.
 Notre ignominie effacée
 Ne remplira plus l'univers.
 Que cet avenir nous console;
 Dieu nous l'annonce: à sa parole
 Les événements sont liés.
 Nos cœurs seront exempts de craintes,
 Le ciel n'entendra point de plaintes,
 Tous les pleurs seront essuyés.

 Alors son peuple osera dire:
 Oui, le voilà, c’est notre Dieu;
 Vers nous sa clémence l'attire,
 Il reparaît dans le saint lieu.
 Nous l'attendions: quelle allégresse
 Succède aux pleurs de la tristesse,
 Aux cris de la dispersion!
 D'Israël il soutient la cause,
 Et sa puissance se repose
 Sur la montagne de Sion.

 Fier Moab, ton peuple indocile
 Sera sous sa verge écrasé,
 Comme l'épi sec et fragile
 Sous le poids des chars est brisé.
 O Moab, sa main te foudroie;
 Sur ton empire elle déploie
 La rigueur de ses châtiments.
 Tes murailles seront détruites,
 Et leurs tours en cendre réduites
 Périront jusqu'aux fondements.



Cantiques I-VI
Cantiques XIV-XX