VII
Dominus Petra Mea et Robur Meum. Lib. II, Reg. Cap. XXII
ARGUMENT
Ce cantique a été mis au nombre des Pseaumes, dont il est le dix-septième; avec cette différence, que le Pseaume commence par ce verset: Diligam te, Domine, fortitudo mea, qui n'est pas dans le cantique. David y célèbre les miracles que la Providence divine a opérés sa faveur; et il rend graces à Dieu de toutes les victoires qu'il a remportées sur ses ennemis.
Tu fus la roche inaccessible,
Seigneur, qui défendit mes jours;
Tu fus le guerrier inivincible
Par qui je triomphai toujours.
C'est dans le Seigneur que j'espère,
Il a terminé ma misère,
Et dans mes droits il m'a remis.
Lui seul mérite ma louange;
Sa main me délivre et me venge
De mes perfides ennemis.
L'implacable mort sur ma tête
Lançait ses regards devorants.
L'impiété que rien n'arrête,
M'épouvantait de ses torrents.
Dans les douleurs et les ravages,
Troublé de ces noires images,
Vers mon Dieu je poussai des cris;
Et sur moi le bruit de ma plainte,
Du haut de sa demeure sainte
Attira ses yeux attendris.
Soudain sa colère allumée
Cause d'affreux embrasements.
Des monts entourés de fumée
Il soulève les fondements.
Sous ses coups l'univers chancelle;
Son front de fureur étincelle,
Contre un peuple séditieux.
Devant lui marche son tonnerre:
Et pour descendre sur la terre
Sous ses pieds il courbe les cieux
De la vengeance qu'il médite
Les instruments sont dans ses mains.
Sur les vents il se précipite,
Il monte sur les chérubins.
Un tabernacle obscur le couvre,
Et des cataractes qu'il ouvre
L'eau s'élance de toutes parts;
Il y joint des flots de bitume;
Tout s'enflamme, tout se consume
Au feu brûlant des ses regards.
Sa voix gronde au sein des nuages
Pour effrayer les imposteurs;
Ses traits, sa foudre et les orages
Ont détruit mes persécuteurs.
Tout conspire à punir leurs crimes;
Jusqu'au fond de leurs noirs abîmes
Les flots émus se sont ouverts.
Et dans leur cavité profonde
Des remparts ébranlés du monde
Les fondements sont découverts.
Mais dans ce désordre effroyable
Dieu me dérobe à tant de maux,
Malgré la haine impitoyable
Dont me poursuivent mes rivaux.
Leur force écrasait rna faiblesse,
Quand dans les jours de ma tristesse
Il guida mes pas incertains.
Je dois le bonheur de lui plaire,
Je dois ce précieux salaire
A la pureté de mes mains.
J'ai toujours gardé la justice
Au milieu de mes passions;
L'impiété ni la malice
N'ont point souillé mes actions.
Son équité douce et sévère,
Ses jugements que je révère,
M'ont rendu docile à sa voix.
Ainsi le Seigneur récompense
Ma droiture, mon innocence,
Mon amour constant pour ses lois.
Seignenr, les mortels qui pardonnent
De te fléchir sont toujours sûrs.
Tes bienfaits abondants couronnent
Les coeurs sans fraude, les coeurs purs.
Avec les bons, doux et sensible,
Envers les méchants inflexible,
Protecteur du pauvre abattu:
Ce n'est qu'un jeu de ta puissance
Que d'humilier l'arrogance,
Et d'élever l'humble vertu.
Sous ton flambeau dans ma carrière
Je marche avec sécurité.
Nous ne sommes sans ta lumière
Que ténèbres, qu'obscurité.
C'est Dieu qui gagne les batailles;
C'est Dieu qui franchit les murailles
Où les rebelles avaient fui.
Leur ligne vaine est dissipée;
Il est le bouclier, l'épée
De ceux qui n'espèrent q'en lui.
Eh! quels autres dieux lui ressemblent!
Puissant, infallible, parfait,
Quand mes ennemis vaincus tremblent,
C'est sa force qui les défait.
Sur les monts il m'ouvre un asile;
D'un soufle il me rend plus agile
Que le cerf léger ou le daim.
Aux combats il daigne m'instruire,
Et mon bras qu'il aime à conduire
Brise avec lui les arcs d'airain.
Mon pouvoir, mes honneurs, ma gloire,
Seigneur, sont plus grands que jamais;
C'est ton ouvrage, et ta victoire
M'a rendu le trône et la paix.
Tu m'enlargissais le passage
Par où je portais le ravage,
Chez mes ennemis effayés.
Après leurs déroutes funestes
Je pouisuivais leurs derniers restes,
Et les immolais sous mes pieds.
Ton esprit a rempli mon âme,
Ta force a passé dans mes bras.
Par toi d'une révolte infâme
J'ai puni les auteurs ingrats.
Tu méprisais leurs douleurs feintes;
Ils t'osaient addresser des plaintes,
Mais tu n'ecoutais point leurs cris.
Leur ruine entière me venge;
J'ai rougi la poudre et la fange
Du sang de ces mortels proscrits.
Les propres enfants de mes pères,
Mes sujets ont trahi mes droits,
Quand des nations étrangères
Venaient se ranger sous mes lois.
Déjà ces enfants infidèles
De leurs factions criminelles
Prétendaient consommer l'horreur;
Mais des richesses usurpées,
Ni des retraites escarpées
N'ont point dissipé leur terreur.
Vive le Dieu qui me protège,
Et que partout il soit béni.
Le conspirateur sacrilège
Par ce Dieu vengeur est puni.
Il défend mes jours, il m'élève;
Je t'invoque, ô Seigneur! achève,
Tu m'as choisi, tu m'as fait roi:
A tes yeux si j'ai trouvé grâce,
Daigne aussi, grand Dieu, sur ma race
Verser tes dons comme sur moi.
CANTIQUE DE DAVID
VIII
Haec autem sunt verba David novissima. Lib. II, Reg. cap. XXIII
ARGUMENT.
Ces dernières paroles de David sont certainement un cantique. Si ce n'est pas un poème en vers, c'est au moins de la poésie. L'exorde en est intéressant et singulier. Les deux personnages du tableau sont David et Saül, car on ne peut guère douter que ce dernier ne soit désigné par les expressions de prévaricateur et Belial. Dans ce poëme instructif, le but du Prophète d'encourager les bons Princes, et d'intimider les tyrans; de mettre en contraste les bénédictions de Dieu sur le Rois selon son cœeur,et ses malédictions sur les Souverains qui le servent mal.
Voici l'instruction dernière
D'un monarque choisi de Dieu:
Voici dans son dernier adieu
Son coeur, son ame toute entière.
C'est le monument solemnel
Par où termine sa carrière
Le prophète, le chantre, et le roi d'Israël.
Ma science en Dieu seul se fonde;
Le fort d'Israël m'a parlé.
Ecoutez ce qu'a revélé
Son intelligence profonde.
Que l'équité commande au Roi,
Et qu'un dominateur du monde
Soit lui-même à son tour dominé par la loi.
Lorsqu'elle est par lui respectée,
Son règne est aussi radieux
Que l'astre pur qui brille aux cieux,
Quand la tempête est écartée.
Dieu secondera ses projets,
Et des eaux du ciel humectée
Sa terre enrichira ses fortunés sujets.
Je méritais peu l'alliance
Que fit avec moi le Seigneur.
Je dus à lui seul mon bonheur,
Mon salut et ma confiance.
J'ai craint, j'ai fait régner ses lois;
Il a guidé ma prévoyance,
Appuyé mes desseins, couronné mes exploits.
Mais si les lois sont violées
Par le prince ou ses favoris,
Il succombe sous les débris
De ces mêmes lois immolées.
Victime des maux qu'il a faits
Ses provinces sont désolées,
Et de sa longue erreur il ressent les effets.
Il verra donc de sa puissance
Tomber le colosse abhorré,
Ce roi qui s'est déshonoré,
Par le crime et la violence;
Et le ciel qui fut son appui,
Extermine dans sa vengeance
Et le monarque injuste et sa race avec lui.
Tel périt ce buisson perfide
Que la main n'oserait toucher
Mais que le fer vient arracher
Des entrailles d'un sol aride.
On brûle ce tronc odieux,
Et le vent d'un soufle rapide
En disperse la cendre, et la dérobe aux yeux.
CANTIQUE DE TOBIE (1751: V)
IX
Magnus es, Domine, in œternum, & in omnia soecula Regnum tuum. Tob. Cap. XIII. (Texte IX.1)
ARGUMENT
Tobie de la Tribu de Nepthali, Captif chez les Assyriens, s’étant endormi au pié d’une muraille, il lui tomba de la fiente d’Hirondelle sur les yeux, ce qui le rendit aveugle. Ce vertueux Israëlite soutint son malheur avec une patience que l’Ecrivain Sacré compare à celle de Job. Mais Dieu ne voulait que l’éprouver. Pour comble de bonté il guérit le Père par les mains du Fils. Le jeune Tobie revenu dans la maison paternelle appliqua sur les yeux de son père le fiel du Poisson, qui avait voulu le dévorer pendant qu’il se lavait les pieds dans le fleuve du Tygre. Le Saint Vieillard recouvra aussi-tôt la vûe. Quelques jours après il composa ce Cantique d’actions de graces, dans lequel il annonce le rétablissement et la glorie future de Jérusalem.
Benissons dans nos Cantiques
Le Dieu de l’éternité,
Et les œuvres magnifiques
De son regne illimité:
Sous sa main tout pouvoir plie;
Tour à tour sur notre vie
Versant les biens et le maux,
Il récompense et châtie,
Ouvre et ferme les tombeaux.
Israël, rends témoignages
Au législateur des rois,
Du sein de ton esclavage
Ose réclamer ses droits.
Instruis tes superbes maîtres,
Parle, et qu’aujourd’hui les traîtres
Apprennent en frémissant
Que le Dieu de leurs ancêtres
Est le seul Dieu tout-puissant.
Quoique sa Main nous frappe, il nous plaint, et nous aime:
A veiller sur nos jours il s’abaisse lui-même;
Il observe nos pas, il compte nos instants.
Craignez donc, adorez, servez le roi suprême
Des siècles
et des temps.
Pour moi que ce divin père
Punit par excès d’amour,
Sur cette rive étrangère
Je l’invoque nuit et jour.
Les decrets de sa vengeance
Ont proscrit le peuple immense
Qui nous accable aujourd’hui;
Vous objects de sa clémence,
Pécheurs, revenez à lui.
Mon cœur tressaille de joie
En présence du seigneur;
Ames fermes dans sa voie,
Vous partagez mon bonheur.
Du Dieu que ton crime irrite
Cité toujours favorite,
Pourqoi trahis-tu sa loi ?
Ton inconstance mérite
Les maux qui fondent sur toi.
Mais tu peux l'appaiser par de nouveaux hommages.
Que des climats lointains, que de ces bords sauvages,
Il rappelle en tes murs tes nombreux citoyens;
Qu'il relève son temple, et jusqu'aux derniers âges
Te comble de
ses biens.
Ton maître terrible et juste
T'arrache à tes ennemis;
Jérusalem, ville auguste,
Que d'honneurs te sont promis!
J'entends les voeux qu'on t'adresse;
L'univers entier s'empresse
D'honorer dans le saint lieu,
Les murs consacrés sans cesse
Par la présence de Dieu,
Tous les princes de la terre
Viendront chez toi le fléchir;
Les parfums, l'or qu'elle enserre
Sont créés pour t'enrichir.
Quel abîme de supplices
Est creusé pour les complices
De tes vils blasphémateurs!
Et quel trèsor de délices
S'ouvre à tes adorateurs!
Triomphe, tes enfants sortiront d'esclavage;
Le Seigneur les rassemble, et n'en craint plus d'outrage,
Du sort qui les-attend mes yeux sont éblouis.
Qu'il est doux de t'aimer! trop heureux qui partage
Les biens dont
tu jouis!
Grand Dieu, mon ame attendrie
Bénit l'œuvre de tes mains.
Jérusalem ma patrie,
Renaîtra pour les humains:
L'impie en vain la menace;
Son sort changera de face,
Je meurs content, si du moins
Des rejetons de ma race
En sont un jour les témoins.
Plus de tristes funérailles,
Plus d'effroi ni de soupirs;
Ses portes et ses muraillas
Seront d'or et de saphirs.
Que de pierres précieuses
De leurs couleurs merveilleuses
Frappent déja mes regards!
Que de voix harmonieuses
Font retentir ses remparts!
Elle invite à sa cour tous les peuples du monde;
De célestes plaisirs source à jamais féconde,
Pour elle chaque jour est un jour solemnel.
Béni soit le Seigneur: c'est sur elle qu'il fonde
Son royaume
éternel.
Texte IX.1 Job. Cap. 3. (1751)
CANTIQUE DE JUDITH (1751: IV)
X
Incipite Domino in Tympanis, cantate Domino in cymbalis. Judith. Cap.XVI
ARGUMENT
Holopherne, général de Nabuchodonoser, avoir mis le siège devant Béthulie. Judith conçut le dessein de la délivrer par une action qui n'a point d'exemple. C'était une veuve riche, belle et très-vertueuse. Après avoir imploré le secours du ciel par une prière également rendre et sublime, elle quitia son cilice et ses habits de deuil, se couvrit d'or et de pierreries, s'habilla méme voluptueusement, employant le fard, les parfums, et tous les charmes de la parure, pour nspirer de l'amour à Holopherne, et l'égorger ensuite de ses propres mains; ce qu'elle exécuta. La mort du Général épouvanta l'armee ennemie. Les Israélites la taillèrent en pièces, et Judith chanta ce cantique au Seigneur. (Texte X.1)
Que du bruit des tambours nos villes retentissent,
Que la trompette sonne, et que nos voix s’unissent,
Rendons au Dieu vivant un immortel honneur:
Il brise quand il veut le glaive de la guerre:
Des cieux et
de la terre
C’est l’unique
Seigneur.
Au milieu de son Peuple il a dressé sa tente:
C’est de là qu’il répand sa lumière éclatante,
Que des Rois conjurés il repousse l’effort;
Et que son bras couvert de flamme et de fumée,
Lance sur leur
armée
Le tonnerre
et la mort.
Assur environné de nations altières
Vers les rochers du nord a percé nos frontières,
Il a brûlé nos bois, dévoré nos sillons;
Et ce peuple innombrable épuisait dans ses courses
Les torrents
et les sources,
Qui baignent
nos vallons.
Les cruels s’avançaient, et de la Palestine
Dans leurs vastes desseins achevaient la ruine;
Les fers étaient forgés, le glaive était tout
prêt,
Mais Dieu livre à la mort leur conducteur infâme,
Et la main d’une
femme
Exécute
l’arrêt.
Ce n’est point la brillante élite
De nos combattants généreux
Qui de la race Israëlite
Détruit l’ennemi dangereux;
Ce n’est point un géant horrible
Qui renverse d’un coup terrible
Ce chef dans les combats nourri:
Immolé de ses propres armes,
Il est mort, vaincu par les charmes
De la fille de Mérari.
Elle a quitté l’habit funèbre;
Ce n’est plus une épouse en deuil,
C’est une héroïne célébre
Qui nous arrache du cercueil.
Des parfums reprenant l’usage,
Elle colore son visage
Pour exciter de tendres vœux;
Et sa main avec art déploie
Les diamants, l’or, et la soie
Sur les boucles de ses cheveux
Ses voiles flottants, sa chaussure
Du barbare on séduit les yeux;
Il conçoit dans son âme impure
Les désirs les plus furieux.
La main qu’il adorai, le frappe;
Il expire: Judith s’échappe
D’un camp qu’elle a rempli d’horreur.
Ninive tremble sur son trône;
D’Ecbatane et de Babylone
Les murs frémissent de terreur.
De hurlements épouvantables
Les camps d’Assur ont retenti;
Au bruit de ces voix lamentables
Israël en foule est sorti.
Dieu, qui nous couvrait de ses ailes,
Contre des peuples infidèles
A daigné combattre avec nous:
Sa présence a troublé leurs
âmes,
Et les enfants des jeunes femmes
Les ont percés de mille coups.
Célébrons le Seigneur par de nouveaux cantiques:
Il a rempli pour nous ses promesses antiques;
Jehovah! Dieu des dieux! que ton pouvoir est grand!
A tes divins décrets qui fera résistance?
Tu détruis
la puissance
Des plus superbes rois, du plus fier conquérant.
Que les cieux sous tes pieds, que la terre fléchissent
Que les êtres divers à tes lois obéissent,
Ton esprit a créé l’onde, l’air et le feu;
Il tira du néant l’espace et la matière;
Et d’un peu
de poussière
Son souffle enfanta l’homme, image de son Dieu.
Les monts épouvantés à ton aspect chancellent:
Ta voix émeut les eaux que leurs voûtes recèlent,
Sous ton char embrasé les rochers sont dissous:
La terre s’en ébranle, et les astres s’étreignent.
Mais de ceux
qui te craignent,
Que les destins sont beaux! que le bonheur est doux!
Car tu ne cherches pas l’odeur des sacrifices.
Que t’importent ces boucs, ces nombreuses génisses
Qui nagent dans le sang, au pied de tes autels?
Hommages fastueux des âmes les plus viles,
Dont les tributs
serviles
Ne fixeront jamais tes regards immortels.
Malheur aux nations qui combattront la tienne:
Il n’est pont contre toi d’appui que les soutienne,
Ta severe équité les condamne à périr;
Et leurs corps au milieu des serpents et du souffre,
Plongés
au fond du gouffre
Se sentiront sans cesse et renaître et mourir.
Nabuchodonosor I, Roi d’Assyrie et de Chaldée, défit
Arphaxad Roi des Medes. Après cette Victoire, il voulut assujettir
à son empire toutes les nations, et détruire tous les dieux
de la Terre afin d’être seul appelé Dieu, Videlicet ut
ipfe solus diceretur Deus. Holopherne son Général
conquit en peu de temps les plus belles provinces de l’Asie, et pénétra
jusques dans la Palestine. Les Juifs osèrent lui résister.
Il forma le Siège de Béthulie. Les aqueducs de la ville étaient
déja coupés, les assiégés réduits à
la dernière extrémité par la soif: Ozias même
qui commandait dans le pays avait promis de rendre la place dans cinq jours,
quand Judith conçut la dessein de sauver son Peuple par une action
qui n’a point d’exemple. Judith était une veuve riche, belle, mais
très vertueuse. Après avoir imploré le secours du
Ciel par une prière également tendre et sublime, elle quitta
son cilice et ses habits de deuil, se couvrit d’or et de pierreries, s’habilla
même voluptueusement, employant le fard, les odeurs, les parfums,
et tous les charmes de la parure, pour inspirer de l’amour à Holopherne,
et l’égorger ensuite de ses propres mains; ce qu’elle exécuta.
La mort du Général épouvanta l’armée ennemie,
composée d’Assyriens, de Mèdes, et de Perses. Les Israëlites
les poursuivirent dans leur fuite, en firent un massacre horrible; et tout
ce qu’on put reconnaître qu’Holopherne avait possédé
en or, en argent, en habillements, en pierreries, et en toute sorts de
meubles, fut donné à Judith, qui chanta ce cantique au Seigneur.
CANTIQUE D'UN JUIF DANS LES FERS (1751: VIII)
XI
Miserere nostrî, Deus omnium, et respice nos, et ostende nobis
lucem miserationum tuarum.
Ecclesiastic. cap. XXXVI
ARGUMENT
L'auteur implore la protection de Dieu pour les Juifs. Ce peuple était alors captif et dispersé dans l'Egypte, dans la Syrie et dans plusieurs provinces au-delà de l'Euphrate. Jérusalem même était exposé aux incursions des infidèles, et souvent envahie par les rois voisins.
Dieu souverain de tous les êtres,
Dieu bienfaisant, reçois nos voeux;
Toi qui protégeais nos ancêtres,
N'abandonne point leurs neveux:
Que ton ange armé du tonnerre,
Des peuples qui te font la guerre
Déconcerte le fol espoir;
Et dans leurs villes foudroyées
Contrains leurs bouches effirayées
A reconnaître ton pouvoir.
Sur les nations étrangères,
Seigneur, appesantis ton bras;
Détruis les grandeurs passagères
De tant de monarques ingrats.
Cent fois leurs yeux et leurs oreilles
Ont été frappés des merveilles
Qui nous révèlent tes secrets:
Romps les charmes qui les séduisent,
Et que tes œuvres les instruisent
De tes adorables décrets.
Qu'ils sachent qu'en toi seul l'homme fidèle espère;
Que pour tous les humains il n'est point d'autre père,
Ni d'autre Dieu
que toi.
De ton juste courroux que les signes renaissent,
Que la terre en tressaille, et que les cieux s'abaissent
Sous les pas
de leur roi.
Enfante aujourd'hui des prodiges
Inconnus aux siècles passés,
Anéantis jusqu'aux vestiges
De nos ennemis terrassés.
Quand publierons-nous ta victoire?
Quand viendra ce règne de gloire
Dont tu veux encor nous priver?
O des siècles auguste maître,
Ordonne aux jours de disparaître,
Et commande aux temps d'arriver.
Que ceux dont l'orgueil nous écrase,
Soient précipités de leur rang;
Que le feu du ciel les embrase,
Si le glaive épargne leur flanc.
Frappe, extermine ces impies
Que tes vengeances assoupies
N'entraînent point à tes genoux;
Et qui disent: c'est nous qui sommes
Les vrais dieux qu'adorent les hommes,
Il n'en est point d'autres que nous.
Rassemble de Jacob les tribus vagabondes;
Qu'elles ouvrent les yeux à tes clartés fécondes,
Et proclament
tes lois.
Qu'à toi seul désormais adressant leur hommage,
Nos frères réunis rentrent dans l'heritage
Qu'ils eurent
autrefois.
Grand Dieu, jette un regard propice
Sur des enfants selon ton coeur
Dieu redouté, sous ton auspice
Israël fut toujours vainqueur.
Viens terrasser l'idolâtrie:
Répands sur ma sainte patrie
Les bienfaits qu'elle a mérités;
C'est la demeure où tu reposes,
Le sanctuaire où tu déposes
Le trésor de tes vérités.
Que de ta parole éternelle
Sion goûte enfin les douceurs;
Confonds l'audace criminelle
De ses farouches oppresseurs.
Aux nations qui te révèrent,
Aux fidèles qui persévèrent
Assure un destin glorieux;
Et ne déments point tes prophètes,
Ni les antiques interprètes
De tes serments mystérieux.
D'un peuple à qui ta voix a promis tant de graces,
Exauce les désirs et dirige les traces
Suivant ton
équité.
Terre, objet de ses soins, reconnais les ouvrages
D'un Dieu qui dans sa main tient le livre des âges,
Et de l'éternité.
XII
Confitebor tibi, Domin, quoniam iratus es mihi. Isaïe, cap. XII.
ARGUMENT
Ce sont ici des actions de graces que le Prophète offre au Seigneur au nom de tout Israël. Il avait annoncé dans le chapitre précédent la venue du Sauveur, et le retour des Juifs. Ces deux événements méritaient bien un cantique de remerciment et de joie.
Je rends grace à ta colère
Dont les effets sont finis.
Seigneur, ton courroux sévère
Etait un courroux de père
Qui cherche à sauver un fils.
Dieu me guérit, me console
Après m'avoir accablé.
Plein d'espoir en sa parole,
Jamais d'une peur frivole
Mon coeur ne sera troublé.
Il est mon bras tutélaire,
Mon salut, et mon bonheur.
Vous qui désirez lui plaire,
Puisez une eau salutaire
Dans les sources du Seigneur.
Annoncez de sa puissance
Les signes prodigieux.
Son nom seul rend l'espérance,
Sert d'asyle et de défense
Aux mortels religieux.
Joignez aux dons qu'il demande
Un cantique solennel.
Qu'au loin le bruit s'en répande,
Et que l'univers entende
Ce qu'il fit pour Israël.
O Sion, dans ton enceinte
Il mit son temple et sa loi.
O Sion, bannis ta crainte;
Ton Dieu de ta cité sainte
Est le pontife et le roi.
CANTIQUE D'ISAIE
XIII
Domine, Deus meus es tu, exaltabo te et confitebor nomini tuo. Isaïe, cap. XXV.
ARGUMENT
Quand les Prophètes avaient prédit des événements avantageux, ils finissaient communément leurs prophéties par un poème d'actions de grâces. Dans le dernier verset du chapitre précédent , Isaïe semble rappeler au peuple juif qu’après le passage de la mer rouge il célébra sa reconnaissance par un cantique. De même les Israëlites qui seront échappés des mains des Assyriens, trouveront un passage pour s’en retourner, et en ce jour là, chanteront un cantique au Seigneur.
Seigneur, je bénirai ta gloire
Jusqu'au dernier de mes instants.
Tout retrace à mes yeux l'histoire
De tes prodiges éclatants.
Avant la naissance du monde,
Dans ton éternité profonde
Tu produisis tes volontés;
Et les decrets de ta puissance
Dans ta mystérieuse essence
Furent dès lors exécutés.
D'une cité forte et superbe
Tu fais un amas de tombeaux;
Des marais, des buissons, de l'herbe
Remplissent ses jardins si beaux.
Des seuls monuments qui lui restent,
Les débris épars nous attestent
Le ravage qu'elle a souffert;
Et dans son enceinte inutile,
Des nations ce vaste asile
N'est plus qu'un lugubre désert.
Le vainqeur, objet de tes grâces,
A ton triomphe applaudira.
Mais l'orgueilleux que tu menaces,
Au bruit de ton nom frémira.
Ton secours puissant fortifie
Les mortels qui traînaient leur vie
Dans l'indigence et le malheur.
Ta pitié tendre leur apprête
Un refuge dans la tempête,
Un lieu frais durant la chaleur.
Tout cède à la funeste rage,
A la colère des méchants;
C'est un tourbillon qui ravage,
Un feu qui dévore les champs.
Mais Dieu punit dans sa vengeance
La tumultueuse insolence
De ces étrangers furieux.
Leurs enfants, leurs neveux périssent,
Comme des plantes que flétrissent
Les brûlantes vapeurs des cieux.
La montagne où sa gloire brille,
Rassemblera les nations:
Il n'en fera qu'une famille,
Sans trouble et sans dissentions.
C'est là que nos maux se réparent,
C'est là que ses mains nous préparent
Le plus somptueux des festins.
Il y rompra la chaîne impure,
Et finira la nuit obscure
Où languissaient tous les humains.
La mort par ses coups terrassée
S'abîmera dans les enfers.
Notre ignominie effacée
Ne remplira plus l'univers.
Que cet avenir nous console;
Dieu nous l'annonce: à sa parole
Les événements sont liés.
Nos cœurs seront exempts de craintes,
Le ciel n'entendra point de plaintes,
Tous les pleurs seront essuyés.
Alors son peuple osera dire:
Oui, le voilà, c’est notre Dieu;
Vers nous sa clémence l'attire,
Il reparaît dans le saint lieu.
Nous l'attendions: quelle allégresse
Succède aux pleurs de la tristesse,
Aux cris de la dispersion!
D'Israël il soutient la cause,
Et sa puissance se repose
Sur la montagne de Sion.
Fier Moab, ton peuple indocile
Sera sous sa verge écrasé,
Comme l'épi sec et fragile
Sous le poids des chars est brisé.
O Moab, sa main te foudroie;
Sur ton empire elle déploie
La rigueur de ses châtiments.
Tes murailles seront détruites,
Et leurs tours en cendre réduites
Périront jusqu'aux fondements.